Un pôle de compétences qui forme des futurs experts en pratiques agroécologiques – paysans, animateurs, responsables d’associations. Une diffusion à grande échelle au niveau local et un lobby au niveau national. C’est le projet ambitieux de SWISSAID Guinée-Bissau. Pour le réaliser, de nombreux partenaires sont impliqués, dans les régions de Cacheu, Bafatá, Oio et Bissau. L’association maraichère de femmes Granja de Pessubé, à Bissau, est l’un des partenaires. Sa parcelle collective sert notamment de champ de formation, d’expérimentation et de démonstration.
En bref
But
Ce projet vise à:
- Améliorer la résilience aux changements climatiques des petits producteurs et productrices agricoles grâce à l’application de techniques de production agroécologiques.
- Rendre disponible en suffisance et de manière durable les semences locale, grâce entre autre à l’autoproduction.
- Renforcer les capacités des organisations de la société civile et du Pôle de compétences en plaidoyer afin de défendre les droits des petits producteurs.
Ce projet est cofinancé par les contributions programmes de la DDC.
Un samedi par mois, à l’aube, on peut apercevoir le long de la voie principale qui mène à Bissau, capitale de la Guinée-Bissau, des femmes héler des «toca-toca», des minibus taxis. Juchés sur le haut de leur tête, des paniers de fruits et légumes remplis à ras bord. Les maraîchères se rendent au centre culturel français pour vendre leurs produits bio fraîchement récoltés quelques heures plus tôt. A la fin de la journée, c’est le sourire aux lèvres et les jambes fatiguées que les paysannes repartent chez elles. «No fasi bom negoçio», s’exclame victorieuse Ermelinda Pedro Mendonça, secrétaire exécutive de l’association. Comprendre: le business a été bon.
C’est une petite révolution pour les femmes de l’association Granja de Pessubé et une victoire de plus dans la mise en place d’une agriculture écologique dans cette région d’Afrique de l’Ouest. Depuis 2015, cette association maraichère de 300 membres travaille avec SWISSAID et est devenue une pionnière de l’agroécologie. En renforçant les connaissances des paysannes, l’association lutte contre les méfaits de l’agriculture conventionnelle et le recours aux produits chimiques. Chaque paysanne possède quelques parcelles de terre individuelles, et une grande parcelle commune est utilisée pour les démonstrations de bonnes pratiques agroécologiques.
Granja de Pessubé en vidéo
Sécurité alimentaire à grande échelle
L’agriculture est l’activité économique dominante du pays, employant 82% de la population active. Elle est constituée à 98% d’exploitations familiales et ces dernières assurent plus de 90% de la production agricole du pays. L’immense dépendance alimentaire et financière à ce secteur met en danger les familles paysannes. Les conditions climatiques changeantes et la surexploitation des sols diminuent la production agricole, et avec elle, les revenus des populations.
Pour que toujours plus de familles paysannes puissent améliorer leur sécurité alimentaire comme les femmes de Granja de Pessubé, SWISSAID Guinée-Bissau a lancé un projet pilote de diffusion de pratiques agroécologiques au niveau local et national. Pour cela, un «pôle de compétences» rassemble des acteurs clés du domaine – responsables de projets, formateurs ou animateurs – qui renforcent leurs connaissances agroécologiques et participent à une stratégie de partage de ces connaissances. Le tout coordonné par le responsable agroécologie de SWISSAID Guinée-Bissau, Tcherno Talato, en collaboration avec l’ONG française Agrisud.
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Un pôle qui réunit
Le champ collectif de l’association Granja de Pessubé est l’un des deux champs pilote utilisé par le pôle pour expérimenter puis capitaliser les bonnes pratiques agroécologiques. Pesticides bio, lutte contre l’érosion, fumure organique, gestion de l’eau; tout ce qui est nécessaire pour améliorer la production avec les moyens locaux. Il sert aussi de lieu de démonstration. «Les paysans y voient les techniques appliquées de leurs propres yeux, puis rentrent avec ces connaissances dans leur village, les testent et les partagent. La diffusion se fait mieux de paysan à paysan», explique Aissé Barry, experte en genre SWISSAID, également membre du pôle de compétences. Les 20 membres du pôle se rendent aussi sur le terrain de l’association de femmes afin de se perfectionner. «A terme, le but du pôle de compétences est de former toujours plus d’acteurs en agroécologie qui puissent ensuite transmettre leur savoir au niveau local», précise Aissé.
Mis sur pieds depuis 2015, le pôle est aujourd’hui un organe reconnu dans tout le pays. «En Guinée-Bissau, lorsqu’on parle d’agroécologie, les gens se réfèrent à SWISSAID. Le pôle, sous son égide, a donc une grande crédibilité», explique Aissé. Ce dernier commence d’ailleurs à être sollicité par d’autres associations et ONGs afin de former des experts en agroécologie.
Chaque paysanne possède quelques parcelles de terre individuelle, et une grande parcelle commune est utilisée pour les démonstrations de bonnes pratiques agroécologiques. Aujourd’hui, pratiquement toutes les femmes de l’association ont banni les pesticides et les engrais chimiques de leurs récoltes.
Ça commence par la terre
Retour dans les champs de Granja de Pessubé. Ici aussi, le projet a eu son lot de conséquences positives. Le champ pilote a permis de répliquer les méthodes agroécologiques sur d’autres parcelles. Aujourd’hui, pratiquement toutes les femmes de l’association ont banni les pesticides et les engrais chimiques de leurs récoltes. Joia Rosario est membre de l’association depuis qu’elle a 20 ans. «Les légumes biologiques donnent plus de travail, mais aussi plus de rendement. Le sol est plus fort et plus sain, les plantes poussent bien. Autrefois, je devais acheter les produits chimiques aux commerçants. Aujourd’hui, ce sont eux qui viennent acheter les légumes savoureux et sains directement chez moi!», raconte-t-elle en riant.
Le projet a aussi permis aux femmes de réintroduire des semences traditionnelles. Avant, les femmes cultivaient uniquement l’aubergine, l’oseille et le gombo. Faible diversité pour une nourriture insuffisamment équilibrée. Grâce à la multiplication de semences locales, longtemps oubliées à cause des déplacements de population et de l’infertilité des terres, les maraîchères peuvent désormais cultiver aussi la tomate, la laitue, l’épinard sauvage ou le piment.
Que demander de plus? «On a demandé à SWISSAID de nous montrer comment calculer le prix de vente, en incluant le coût de production. Car on ne le prend pas vraiment en compte», explique Ermelinda Pedro Mendonça. Du champ à l’assiette, la chaîne alimentaire est longue et semée d’embûches pour les paysannes. Mais chaque pas est une victoire.
L’agriculture est l’activité économique dominante du pays, employant 82% de la population active. En renforçant les capacités agroécologiques des paysannes, l’association Granja de Pessubé lutte contre la dépendance alimentaire et financière des paysannes et des paysans.