Habillé·e·s en prisonnières et prisonniers, des militant·e·s de plusieurs organisations suisses ont manifesté aujourd’hui sur la Place fédérale, symbolisant les paysannes et les paysans criminalisé·e·s par les règles de l’UPOV et par l’inscription dans la législation locale d’un droit de propriété intellectuelle apparenté à un brevet accordé sur les semences. Cette action s’inscrit dans le cadre d’une protestation mondiale contre l’UPOV et le monopole dont font l’objet les semences.
Les militant·e·s ont remis leur revendication au Parlement: la Suisse doit s’abstenir d’exiger l’inscription d’une clause UPOV dans les futurs accords de libre-échange. Le conseiller national Nicolas Walder, qui a accusé réception de cette revendication, déposera la semaine prochaine une initiative parlementaire avec sa collègue Christine Badertscher pour demander de rayer cette exigence inacceptable des accords de libre-échange. Les partenaires commerciaux de la Suisse doivent en effet pouvoir continuer à être libres d’adopter des lois sur les semences qui tiennent compte de leur situation, qui respectent les droits des paysannes et des paysans, et qui favorisent la souveraineté alimentaire.
Depuis des millénaires, des paysannes et des paysans conservent, multiplient, plantent, échangent ou vendent les semences qu’elles·ils produisent, une pratique à la base de la souveraineté alimentaire et indispensable à la sécurité alimentaire des pays de l’hémisphère Sud. Le système semencier paysan se porte ainsi garant de l’approvisionnement en semences et joue un rôle clé dans la préservation et le développement de la diversité de nos plantes cultivées. C’est pour ces raisons que le droit de libre utilisation des semences a été inscrit dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·ne·s et dans le Traité international sur les ressources phytogénétiques de la FAO.
Or, c’est précisément l’exercice de ce droit que l’UPOV criminalise en interdisant aux paysannes et aux paysans d’échanger ou de vendre les semences enregistrées qu’elles·ils produisent sur leurs champs. Même la réutilisation est souvent interdite ou soumise à redevances. Le Ghana, dernier pays à avoir rejoint l’UPOV, va jusqu’à prévoir une peine d’emprisonnement de dix ans au moins. De la sorte, on fait d’un droit élémentaire un acte criminel.
En sa qualité de membre de l’AELE**, la Suisse contraint les pays avec lesquels elle conclut des accords de libre-échange à adhérer aux règles de l’UPOV, une exigence pour ainsi dire cynique, puisque le Liechtenstein n’applique pas du tout ces règles et la Norvège ne le fait que partiellement, octroyant de la sorte davantage de libertés à ses paysannes et paysans. Même la Suisse a interprété ces règles de sorte qu’elles ne satisfont pas aux exigences de l’UPOV. Dès lors, les pays membres de l’AELE imposent à leurs partenaires commerciaux l’adoption de règles plus strictes que celles qu’ils sont disposés à appliquer eux-mêmes. Le prochain accord sur la liste est l’accord de libre-échange négocié avec la Thaïlande, pays dans lequel la société civile et les organisations paysannes s’opposent énergiquement aux règles de l’UPOV afin de défendre leur droit aux semences et, par conséquent, leur droit à l’alimentation.
* Cette action a été organisée par Action de Carême, Alliance Sud, EPER, FIAN, Public Eye, SWISSAID et Uniterre.
** L’Association européenne de libre-échange (AELE) compte quatre membres : la Suisse, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège.
Plus d’informations:
- Coalition suisse pour le droit aux semences (en français et en allemand)
Personnes de contact:
- Simon Degelo, responsable semences et biodiversité chez SWISSAID, tél. : 076 824 00 46, s.degelo@swissaid.ch
- Nicolas Walder, conseiller national des Vert·e·s, tél. : 079 550 05 13, nicolas.walder@parl.ch