Les membres de l’AELE (la Suisse, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège) mènent actuellement des négociations avec la Malaisie et avec la Thaïlande, deux pays dont l’économie est fortement tributaire de l’agriculture paysanne. Lors de ces négociations, qui visent à conclure des accords de libre-échange, l’AELE exige le respect de l’Acte de 1991 de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV 91), qui impose des règles rigides dans ce domaine. Ce corset empêche des pays comme la Malaisie et la Thaïlande d’adopter leur propre législation, adaptée à leurs réalités agricoles. Dans la lettre qu’il adresse aux membres de l’AELE, le Rapporteur spécial Michael Fakhri indique que cette exigence met en péril le droit à l’alimentation.
Depuis plusieurs années, des organisations paysannes et des ONG, parmi lesquelles la Coalition suisse pour le droit aux semences, demandent aux membres de l’AELE de retirer la clause UPOV des négociations, car celle-ci viole le droit aux semences tel qu’il est inscrit dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan-ne-s, mais aussi le Traité international sur les ressources phytogénétiques de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Dans sa réponse à la lettre du Rapporteur spécial, l’AELE indique qu’elle n’a pas l’intention de revoir sa pratique actuelle et qu’elle continuera à exiger, lors de futures négociations, l’inscription d’une clause UPOV dans les accords.
La Suisse exige d’autrui ce qu’elle n’applique pas elle-même
«Ce qui est particulièrement dérangeant, c’est que l’AELE exige de ses partenaires un régime qu’elle n’applique pas», indique Simon Degelo, responsable du dossier sur les semences et la biodiversité chez SWISSAID. Le Liechtenstein ne dispose ainsi d’aucune loi de protection des obtentions végétales et la Norvège a décidé de s’en tenir à l’Acte de 1978 de l’UPOV, qui restreint moins les droits des paysan·ne·s. Quant à notre pays, il a certes ratifié l’UPOV 91, mais ne l’applique que partiellement. Il est donc incompréhensible que la Suisse et, avec elle, l’AELE s’obstinent à exiger l’inscription de cette clause controversée dans les accords. Syngenta est la seule entreprise en Suisse qui pourrait théoriquement tirer parti de cette disposition. «Il est extrêmement discutable que le Secrétariat d’État à l’économie (SECO), responsable du dossier, défende les intérêts d’une entreprise en mains chinoises dont la direction du secteur semences se trouve à Chicago», déplore Tina Goethe de l’EPER.
Si Kuala Lumpur se dit disposé à appliquer l’UPOV 91, la société civile malaisienne monte, elle, au créneau. Dans une déclaration signée par de nombreuses organisations paysannes et citoyennes, elle craint que la Malaisie soit contrainte de modifier à maints égards sa loi sur la protection des obtentions végétales, ce qui ouvrirait grand les vannes à la biopiraterie, interdirait aux paysan·ne·s d’échanger leurs semences et mettrait en péril la diversité et la sécurité de la production alimentaire nationale.
La Coalition suisse pour le droit aux semences exige en conséquence de la Suisse et des autres membres de l’AELE qu’ils prennent acte de la réprimande du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation des Nations Unies et qu’ils retirent définitivement des négociations une clause UPOV nuisible aux droits humains.
Informations complémentaires
Dossier « Quels problèmes pose l’UPOV ?» et 10 réponses à 10 questions centrales
Lettre adressée à la Suisse par le Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation
Lettre à la teneur identique adressée à la Norvège (en anglais)
Réponse commune de la Suisse et des autres membres de l’AELE (en anglais)
Prise de position de la société civile malaisienne (en anglais)
Personnes de contact
- Simon Degelo, responsable dossier sur les semences et la biodiversité chez SWISSAID; 076 824 00 46; s.degelo@swissaid.ch