Une tragédie humanitaire se déroule actuellement au Myanmar, largement ignorée de l’opinion publique mondiale. Le pays déjà fragilisé par la pandémie de coronavirus a vu les militaires prendre le pouvoir, ce qui a entraîné des manifestations non violentes dans tout le pays et des affrontements armés. Depuis, l’économie a chuté de manière spectaculaire et une grande partie de la population a sombré dans la pauvreté absolue. Plus d’un million de personnes ont dû fuir leurs villages et leurs villes et cherchent refuge dans d’autres régions du pays sous le statut de déplacés internes.
Dans ce contexte, de nombreuses ONG ont quitté le pays, laissant la population démunie au moment où elle en a le plus besoin. Daniele Polini, responsable du programme au Myanmar, explique les motivations de SWISSAID à rester malgré la crise et l’impact de son soutien sur les populations.
Quelle est la situation dans le pays ?
Daniele Polini: Le pays est traversé par de multiples crises politique, économique et sociale. Sur le plan économique, la situation du pays affecte les échanges commerciaux avec les pays voisins et fait fuir les entreprises. En résulte une diminution de l’offre de biens et une hausse des prix considérable. Sur le plan social, il y a beaucoup de migration vers les pays voisins mais aussi de déplacés internes dans le pays. Les tensions parmi la centaine d’ethnies qui vivent sur le territoire refont surface.
SWISSAID est une des seules ONG à rester sur place, pourquoi?
L’ancien slogan de SWISSAID était «Aider avec courage». Je trouve qu’il s’applique particulièrement à cette situation et répond à la question. Même dans les situations de crise, même lorsque notre travail devient difficile, nous sommes prêts à rester auprès de la population. Nous aidons les personnes dans le besoin, et elles le sont encore plus dans ces moments-là. En outre, nous ne pouvons pas abandonner nos partenaires sur le terrain, qui, compte tenu des difficultés liées à la situation politique nationale, ont besoin d’un soutien extérieur pour continuer à faire leur travail en faveur des populations.
Alors les projets SWISSAID continuent?
Oui! Après une pause obligée pour certaines activités durant la pandémie, ils ont pu reprendre et fonctionnent bien. Nous sommes enregistrés en tant qu’ONG officielle dans le pays et collaborons avec de nombreuses organisations locales de la société civile mettant en œuvre des projets de développement durable mais aussi des activités d’aide d’urgence.
Sur quoi portent les projets?
Les projets au Myanmar sont principalement axés sur l’agroécologie, l’égalité et le renforcement des femmes. Les crises ont fait ressortir les bénéfices de l’agroécologie et motivent les bénéficiaires et les partenaires. En effet, dans les régions rurales où nous travaillons, les habitant-e-s sont mieux loti-e-s qu’en ville. Non seulement leurs champs leur permettent une auto-suffisance essentielle en cette période de pénurie, mais les paysan-ne-s ne doivent pas dépenser leurs maigres revenus en intrants chimiques et semences industrielles, dont les prix ont flambé.
Les activités genre ont aussi repris. Le travail sur l’égalité entre hommes et femmes est plus important que jamais. Avant la pandémie, c’était en majorité les femmes qui travaillaient la terre. Avec le confinement puis les conflits, les hommes ont moins transité et ont repris leur place dans le foyer. Dans ce contexte, il est important de continuer à encourager les femmes à assumer leur position et prendre le contrôle de leurs activités. C’est une opportunité de changer les mentalités. Les hommes sont bien-sûr aussi inclus dans ce travail, notamment avec de la sensibilisation ciblée.